Suivi agronomique en agrivoltaïsme : protocole, indicateurs clés et cas réels

L’agrivoltaïsme repose sur une synergie délicate entre cultures et/ou élevage et panneaux solaires. Cette pratique vous offre, à vous, exploitants agricoles une protection contre les aléas climatiques tels que les fortes chaleurs, la grêle ou le gel. Mais elle impose aussi de nouvelles contraintes : un ombrage partiel, des modifications microclimatiques ou encore des changements dans les pratiques culturales.
Pour réussir ce pari de concilier production agricole et production d’énergie photovoltaïque, il ne suffit pas simplement d’installer des panneaux solaires photovoltaïques sur vos parcelles. Il faut aller bien plus loin. Comment garantir que votre production agricole ne pâtit pas de la présence des infrastructures photovoltaïques ? Comment mesurer précisément les bénéfices apportés par cette innovation à votre exploitation ? La réponse se trouve dans le suivi agronomique.
Telle une boussole, le suivi agronomique vous offre une vision scientifique et des données concrètes sur la performance de votre activité sous les modules solaires. Grâce à lui, vos sécurisez vos investissements tout en contribuant à la transition énergétique.
Dans cet article, nous allons vous expliquer comment se déroule ce suivi agronomique (principes, objectifs, étapes pour une mise en place efficace) tel que nous le mettons en œuvre chez Technique Solaire dans le cadre de nos collaborations.
Le suivi agronomique : c’est quoi?
Le suivi agronomique est une démarche scientifique et technique qui vise à évaluer précisément les performances agronomiques de vos ateliers agricoles / évaluer quantitativement et qualitativement les productions végétale ou animale. Dans le contexte spécifique de l’agrivoltaïsme, il consiste à mesurer et analyser les conséquences de l’installation des panneaux solaires sur les conditions, les rendements et les peformances de cultures et des élevages.
La science au service de la synergie agriculture-photovoltaïque

Plus concrètement, le suivi agronomique est conçu et réalisé par un bureau d’études (BE) agricole indépendant, mandaté et financé par le développeur solaire dans notre modèle de tiers-investissement. Ce tiers neutre définit un protocole scientifique, installe les instruments et collecte un ensemble de mesures micrométéorologiques, pédologiques et agronomiques. Le dispositif compare systématiquement deux zones distinctes :
• Une zone témoin sans panneaux, et
• Une zone agrivoltaïque sous modules,
afin d’isoler l’effet propre de l’installation, quantifier les écarts et proposer, si besoin, des ajustements agronomiques.
Le suivi est engagé sur plusieurs campagnes, généralement plusieurs années, pour produire des données suffisamment robustes et représentatives. L’agriculteur demeure partie prenante (choix des objectifs, accès aux parcelles) mais n’a pas la charge technique ni financière de l’étude.
Petite précision
Pour que la zone témoin puisse vraiment servir de référentiel, il faut qu’elle réponde à plusieurs critères stricts :
– Être dépourvue de toute installation photovoltaïque et d’ombrage tout en étant géographiquement très proche du projet agrivoltaïque.
– Présenter des conditions de sol et de climat (pédoclimatiques) similaires à la zone sous panneaux et être cultivée ou gérée de manière absolument identique (mêmes cultures, mêmes variétés, mêmes pratiques d’élevage, mêmes itinéraires techniques).
– Sa superficie doit représenter au minimum 5 % de la surface totale de l’aménagement agrivoltaïque, sans toutefois dépasser 1 hectare, afin de garantir une représentativité suffisante sans surdimensionnement.
Bien évidemment, il y a toujours des exceptions. Nous les avons détaillés dans notre article sur le décret agrivoltaïsme.
Pourquoi le suivi agronomique est indispensable en agrivoltaïsme?
Installer des panneaux photovoltaïques sans instaurer de suivi agronomique, c’est se priver d’indicateurs chiffrés pour objectiver vos propres observations. Votre regard d’agriculteur détecte déjà la plupart des écarts de vigueur ou de rendement ; le suivi vient simplement transformer ces impressions en données opposables, indispensables pour communiquer avec les partenaires techniques, financiers ou institutionnels, et pour analyser finement les tendances sur plusieurs campagnes – en particulier sur de grandes cultures où l’œil humain perçoit moins facilement des variations localisées.
Les résultats du suivi permettent ensuite d’agir à deux niveaux :
- Ajustements agronomiques au quotidien : choix variétal, densité de semis, date de pâturage, pilotage de l’irrigation ou de la fertilisation, organisation des passages de machines, etc.
- Améliorations pour les projets futurs ou pour les équipements pilotables : hauteur de structure, éventuel tracking, modalités d’accès du troupeau, positionnement de bandes enherbées, etc.
La part d’ombrage fixe ne se modifie pas une fois l’installation en place ; en revanche, le retour d’expérience chiffré sert à optimiser l’itinéraire technique actuel et à concevoir les prochains projets de façon plus performante.
Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur les panneaux solaires, nous vous invitons à lire nos 2 contenus qui traitent du sujet : fonctionnement des panneaux solaires et comprendre les panneaux solaires.
Le suivi agronomique est aussi un bouclier règlementaire. La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) exige, en effet, des preuves tangibles de la pérennité agricole. Un rapport de suivi régulier est demandé et celui-ci doit démontrer qu’il n’y a aucune baisse significative des rendements et qu’il y a une amélioration ou un maintien de la qualité des productions ainsi que des revenus agricoles. Et c’est tout à fait logique, à quoi servirait un tel projet si ses retombées ne sont pas bénéfiques pour l’agriculture ?
Quels sont les objectifs du suivi agronomique?
Le suivi agronomique poursuit plusieurs objectifs complémentaires, à savoir :

- Évaluer la performance agricole : mesurer les rendements végétaux ou la performance de l’élevage (croissance des animaux, production laitière…), analyser la qualité des productions et identifier les impacts éventuels des panneaux photovoltaïques.
- Analyser l’adaptation des cultures et le bien-être animal : pour les cultures, cela implique d’observer la vigueur végétative, les changements phénologiques (dates de floraison, maturation) et de déterminer comment les plantes réagissent aux conditions particulières créées par les panneaux solaires. Pour l’élevage, l’objectif est d’évaluer le comportement des animaux, leur bien-être (accès à l’ombre, gestion du stress thermique) et l’impact sur leur santé et leur productivité.
- Optimiser les conditions microclimatiques : mesurer précisément la température, l’hygrométrie, l’irradiance, la vitesse du vent et la pluviométrie dans les zones agrivoltaïques comparées aux zones témoins. Ces données sont cruciales pour comprendre l’environnement spécifique sous les panneaux et adapter les pratiques culturales ou d’élevage.
- Assurer la rentabilité technico-économique : réaliser un bilan économique précis. Il prend en compte les coûts d’exploitation (agricoles et liés à l’agrivoltaïsme), les revenus agricoles (des cultures ou de l’élevage) et les revenus issus de la production photovoltaïque afin d’évaluer la rentabilité globale et la viabilité économique du projet.
Pour résumer, le suivi agronomique ne se contente pas d’observer. Il constitue une stratégie d’amélioration continue pour vos cultures ou votre élevage et, in fine, pour la rentabilité globale de votre exploitation agrivoltaïque.
Comment mettre en place un protocole validé?
Mettre en place un protocole validé de suivi agronomique demande rigueur et méthode que votre projet agrivoltaïque implique des cultures ou de l’élevage. Voici les étapes essentielles pour garantir sa validité scientifique et son efficacité :
- Définir clairement les objectifs : identifier précisément les questions clés auxquelles le suivi doit répondre. S’agit-il d’évaluer la croissance des cultures, le bien-être animal, l’impact sur les rendements ou l’adaptation des pratiques ?
- Choisir les indicateurs clés : déterminer les paramètres pertinents à suivre. Cela inclut les données micrométéorologiques, les données phénologiques pour les cultures, les mesures ou encore des indicateurs liés à l’élevage. Les aspects économiques sont aussi essentiels.
- Installer les équipements adaptés : positionner correctement des stations météorologiques, des capteurs d’humidité du sol, des sondes pour la qualité de l’eau, des drones pour l’imagerie aérienne, des capteurs IoT pour le suivi des animaux ou des cultures et tout autre équipement nécessaire à la collecte précise des données.
- Mettre en place une zone témoin représentative et collecter les données de manière identique et simultanée dans les deux zones (agrivoltaïque et témoin). Cette comparaison est fondamentale pour isoler l’impact des panneaux.
- Réaliser un suivi régulier : planifier des visites et des relevés fréquents. La régularité est essentielle pour obtenir une série de données pertinente et significative au fil des saisons et des cycles de production.
- Analyser les données : exploiter des outils statistiques robustes et des logiciels spécialisés pour analyser les données recueillies. L’interprétation précise des résultats permettra de tirer des conclusions fiables sur l’impact de l’agrivoltaïsme.
- Valider les résultats : collaborer avec des instituts scientifiques reconnus (comme les Chambres d’agriculture ou des organismes de recherche spécialisés) pour valider le protocole et les résultats. Cette démarche confère une crédibilité scientifique indispensable aux conclusions et au projet.
Paramètres agronomiques à suivre sur le terrain
Ci-dessous les paramètres clés à surveiller dans le cadre d’un suivi agronomique.
Suivi phénologique et phénotypique : développement et stades clés (culture)
Le suivi phénologique observe les étapes cruciales du cycle végétatif comme le débourrement, la floraison, la maturation et la récolte. Le suivi phénotypique, lui, mesure les caractéristiques physiques des cultures telles que la taille, la forme des feuilles ou des fruits, et leur vigueur générale.
Suivi comportemental et physiologique des animaux (élevage)
Il faut observer leurs habitudes de pâturage ou d’abreuvement, leur utilisation de l’ombre des panneaux et leurs réactions aux conditions environnementales. Des indicateurs physiologiques comme la prise de poids, la production (laitière, de viande), la qualité de la laine, ou même des marqueurs de stress (température corporelle, fréquence respiratoire) peuvent être intégrés pour évaluer le bien-être animal et l’adaptation du cheptel.

Suivi micrométéorologique et pédologique : conditions du sol et du climat
Le suivi micrométéorologique analyse les paramètres climatiques locaux essentiels sous les panneaux et en zone témoin. Il comprend la température de l’air, l’humidité relative, la pluviométrie, l’irradiance solaire (lumière reçue) et la vitesse du vent.
Le suivi pédologique, quant à lui, se concentre sur la température du sol et sa teneur en eau. Ces données sont cruciales pour évaluer précisément les conditions de croissance des cultures et la disponibilité de l’eau pour les prairies qui impactent directement l’élevage.
Suivi de la croissance végétative et de la performance animale
Pour les cultures, des mesures régulières de la croissance végétative (longueur des tiges, circonférence des troncs, surface foliaire, développement des fruits, biomasse) permettent de déterminer précisément comment elles s’adaptent aux conditions particulières créées par les panneaux photovoltaïques.
Dans le cas de l’élevage, des mesures biométriques régulières (poids vif, mensurations), l’évaluation de la production (du lait, de la viande, des œufs) et l’observation du comportement (temps passé à l’ombre, activité, interaction avec les infrastructures) permettent de s’assurer que les animaux se développent normalement et que leur bien-être est maintenu ou amélioré.
Suivi des stress environnementaux : hydrique, thermique et radiatif
Le suivi agronomique est également essentiel pour identifier et mesurer l’impact des stress environnementaux sur les cultures et l’élevage :
- Du stress hydrique : manque ou excès d’eau, affectant la croissance des plantes ou l’accès à l’eau pour les animaux.
- Du stress thermique : températures extrêmes (chaleur ou froid) influençant la physiologie des cultures et le confort thermique des animaux.
- Du stress radiatif : variations de l’exposition à la lumière solaire dues à l’ombrage des panneaux, impactant la photosynthèse des plantes ou l’exposition aux UV pour les animaux.
Les données obtenues grâce à ce suivi permettent non seulement de comprendre ces impacts, mais aussi d’optimiser l’emplacement des modules, leur orientation et leur gestion pour le bien-être des cultures et des animaux.
Suivi technico-économique des performances agricoles
Le suivi agronomique ne se limite pas aux aspects biologiques. Il intègre aussi une dimension économique. L’objectif est de démontrer la rentabilité du projet agrivoltaïque – une analyse qui combine les performances agricoles avec les données financières.

Technologies au service du suivi agronomique
Pour réaliser un suivi agronomique précis, plusieurs technologies peuvent être mobilisées :
- Capteurs connectés : mesurent en temps réel l’humidité du sol (tensiomètre), la température du sol (sondes), l’ensoleillement (capteur PAR), la croissance du tronc des arbres (dendromètre), etc.
- Stations météorologiques : fournissent des données détaillées sur le climat local (température et humidité de l’air, vitesse du vent, rayonnement solaire).
- Télédétection par drones ou satellite : offre des images précises et régulières des parcelles.
- Logiciels de gestion et d’analyse des données : facilitent le traitement statistique et l’interprétation des résultats pour prendre des décisions éclairées.
Adapter le suivi aux différentes productions agricoles
Chaque production agricole a ses spécificités et le suivi agronomique doit s’y adapter pour être pertinent.
Respect du cadre CRE : convention, calendrier et rapport
Pour respecter les exigences de la CRE, il est nécessaire de signer une convention détaillant les engagements, de suivre un calendrier précis des actions à réaliser et de fournir des rapports réguliers sur l’évolution du projet et ses résultats.
Cette convention lie l’agriculteur, l’opérateur solaire (ici Technique Solaire) et l’organisme en charge du suivi agronomique. Elle définit précisément les missions et les engagements de chaque partie pour une durée de 4 ans (renouvelable).
La convention est à annexer à la réponse à l’appel d’offres CRE. Elle assure un cadre juridique clair pour la démarche.
Ce calendrier détaille la fréquence des visites sur site, les dates de collecte des données et les périodes de rédaction des rapports.
Avoir un planning bien défini assure la régularité et la complétude des informations, et permet de respecter les échéances imposées par la CRE.
Un rapport annuel est généralement remis à Technique Solaire et, tous les 3 ans, un document de synthèse est préparé pour la CRE.
Ces rapports présentent les analyses comparatives et valident le service agricole significatif du projet. Ils sont essentiels pour démontrer la conformité et la performance de l’installation agrivoltaïque.
Cas réel réalisé par Technique Solaire
Technique Solaire qui a installé des abris agrivoltaïques de culture sur vignes sur l’exploitation viticole du Domaine du Berdet, dans les Landes, mène actuellement un suivi agronomique. Ce projet vise à sécuriser les rendements face aux aléas climatiques fréquents (échaudages, gel, grêle).
Avant l’installation agrivoltaïque, le domaine faisait face à d’importantes pertes occasionnées par les échaudages fréquents, les gels précoces et les épisodes de grêle, entraînant une forte diminution des rendements et une hausse significative des coûts de production.
Après la mise en place des abris agrivoltaïques de culture, plusieurs améliorations notables sont attendues :
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Indicateurs 2196466_43b141-d0> |
Avant l’installation agrivoltaïque 2196466_36743a-2e> |
Résultats attendus après l’installation agrivoltaïque 2196466_9a0d36-26> |
Évolution attendue 2196466_066b55-3e> |
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Rendement moyen (hl alcool pur/ha) 2196466_c0200d-d5> |
8-10 2196466_bd80fb-05> |
12 2196466_9ac916-b3> |
+20 % à +50 % 2196466_9cd0ed-a9> |
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Jours échaudants par an 2196466_d7f5ef-44> |
25 2196466_874ab2-f1> |
17 2196466_1c6070-9a> |
-30 % 2196466_7deb59-4f> |
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Dommages liés au gel 2196466_4d7fe6-22> |
Jusqu’à 90 % de pertes 2196466_df01ad-63> |
Moins de 50 % de pertes 2196466_fbdcd1-92> |
-70 % à -80 % 2196466_b32f41-7a> |
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Coût annuel d’irrigation 2196466_642648-36> |
Élevé et croissant 2196466_d96360-6e> |
Réduction notable (20 % d’économies) 2196466_dfeb49-5b> |
-20 % 2196466_917917-93> |
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Qualité du raisin (teneur en sucre, calibre) 2196466_aea64e-0f> |
Moyenne et irrégulière 2196466_36cceb-d7> |
Supérieure et stable 2196466_217f10-a0> |
Amélioration significative 2196466_2633a7-04> |
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Pertes dues à la grêle 2196466_97e66a-3b> |
Importantes et fréquentes 2196466_34ac05-51> |
Faibles à négligeables 2196466_11a14d-16> |
Très forte réduction 2196466_7fa000-dc> |
Grâce à une approche méthodique de suivi agronomique, le Domaine du Berdet a de bonnes chances de réduire ses pertes, améliorer ses rendements, stabiliser la qualité de sa production et optimiser ses coûts opérationnels, assurant ainsi une exploitation agricole plus pérenne et rentable.
Un projet agrivoltaïque ?
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