Tout comprendre au décret agrivoltaïsme de 2024

agrivoltaisme décret moutons brouttant en dessous de panneaux solaires

Le 8 avril 2024, le décret n°2024-318 relatif à l’agrivoltaïsme dit « décret agrivoltaïsme » est sorti en application de l’article 54 de la loi APER (loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables). Ce texte a pour objectif d’établir un cadre juridique clair pour les projets d’agrivoltaïsme et le développement d’installations photovoltaïques sur les terrains agricoles, naturels et forestiers. 

Comme l’a souligné Marc Fresneau, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dans un communiqué de presse : « L’agrivoltaïsme avait besoin d’un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles : c’est l’objet de ce décret, qui fixe des principes clairs et protège davantage les espaces agricoles tout en ouvrant des opportunités pour la production d’énergie. » 

Publié au Journal Officiel le 9 avril 2024, ce décret est entré en vigueur dès le lendemain, soit le 10 avril 2024. Il s’applique aux demandes de permis de construire agrivoltaïques déposées depuis le 9 mai 2024 et aux demandes de permis de construire agricompatibles déposées 1 mois après la publication du document cadre départemental. Quelles sont les nouvelles précisions qu’il apporte ? Comment s’applique-t-il ? Quels sont les contrôles mis en place pour vérifier son application et quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect ? C’est ce que nous allons découvrir dans ce guide.

Quelques précisions sur la notion de projets agrivoltaïques et de photovoltaïque au sol 

Voici les grandes lignes et les éclaircissements majeurs apportés par le décret sur l’agrivoltaïsme. 

Les principaux critères de qualification des projets agrivoltaïques 

Pour rappel, l’article L314-36 du code de l’énergie fournit la définition juridique de l’agrivoltaïsme. Selon cet article, une installation agrivoltaïque est « une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ». Il est donc clair que l’installation photovoltaïque sur des parcelles agricoles doit avant tout ne pas nuire aux activités agricoles pour être qualifiée d’agrivoltaïque. 

Le décret agrivoltaïsme renforce cette notion. Alors que le décret de 2023 relatif à la consommation d’espaces naturels par les installations photovoltaïques (décret n°2023-1408 du 29 décembre 2023) exigeait seulement trois conditions (la réversibilité, la perméabilité et la préservation des activités agricoles ou pastorales) pour qu’un projet photovoltaïque ne soit pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, le décret de 2024 (article R.314-108 et suivants du code de l’énergie) exige cinq conditions pour qu’une installation photovoltaïque soit regardée comme “agrivoltaïque”. 

– 1 – L’agriculture doit rester l’activité principale sur la parcelle exploitée 

Pour garantir que l’agriculture reste l’activité principale sur les sites agrivoltaïques, le décret limite le taux de couverture* par des panneaux solaires à 40 % de la superficie totale pour les installations de plus de 10 MWc, sauf pour les technologies agrivoltaïques éprouvées (à définir ultérieurement par un arrêté ministériel), qui auront des taux de couverture spécifiques définis par arrêté. 

*Taux de couverture : rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques et la surface de la parcelle agricole. 

Ce n’est pas tout, deux autres règles doivent être respectées :

  • La superficie non exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque ne doit pas dépasser 10 % de la superficie totale couverte par l’installation.
  • L’installation (hauteur, espacement, etc.) doit permettre une exploitation agricole normale, incluant la circulation des engins agricoles, la sécurité et l’abri des animaux.

– 2 – L’installation doit être bénéfique aux activités agricoles pratiquées sur la parcelle concernée 

L’installation agrivoltaïque doit répondre à au moins un des critères suivants et ne doit pas en compromettre plus de deux : 

  • Amélioration agronomique : améliorer la qualité du sol, augmenter ou maintenir les rendements agricoles ou ralentir la baisse des rendements. 
  • Adaptation au changement climatique : limiter les effets du réchauffement climatique sur les cultures et l’élevage en augmentant les rendements ou en améliorant la qualité des productions. 
  • Protection contre les aléas climatiques : protéger les cultures contre les risques météorologiques (grêle, fortes pluies, etc.) en créant des zones d’ombre. 
  • Bien-être animal : améliorer les conditions de vie des animaux en créant des zones d’ombre et en régulant la température. 

Lisez aussi : les avantages de l’agrivoltaïsme. 

 

Sont donc considérées comme des installations agrivoltaïques :

  • Les panneaux photovoltaïques sur volières, serres, etc. : ces installations répondent aux critères en améliorant les conditions de vie des animaux et en protégeant les cultures.
  • Les installations photovoltaïques utilisées comme abris climatiques sur cultures : elles contribuent à l’adaptation au changement climatique et à la protection des cultures et améliorent donc l’impact agronomique.
  • Les installations agrivoltaïques au sol sur élevage ou grandes cultures : elles contribuent à l’adaptation au changement climatique, à la protection contre les aléas et à l’amélioration du bien-être animal.
  • Les installations photovoltaïques permettant de remettre en culture des terres agricoles abandonnées : elles améliorent la qualité agronomique des sols.

Et ne sont pas considérées comme des installations agrivoltaïques :

  • Les panneaux photovoltaïques sur bâtiments agricoles : ils n’ont pas d’impact direct sur la qualité du sol.
  • Les centrales photovoltaïques au sol classiques implantées hors terres agricoles : leur objectif principal n’est pas d’améliorer les rendements agricoles.

 

– 3 – La production agricole une fois l’installation faite doit être « significative »

Une distinction est faite entre les installations agrivoltaïques sur serre, sur élevage et hors élevage.

Installation agrivoltaïque hors élevage

Pour que la production agricole soit considérée comme significative, le rendement moyen par hectare sur la parcelle doit dépasser 90 % du rendement moyen par hectare sur une zone témoin ou un référentiel équivalent, limitant ainsi la perte de rendement à 10 %. Des ajustements peuvent être autorisés dans des cas spécifiques.

La zone témoin doit : 

  • Être dépourvue de panneaux et d’ombrage 
  • Se situer à proximité géographique de l’installation agrivoltaïque 
  • Présenter des conditions pédoclimatiques similaires à la zone concernée 
  • Être cultivée de manière identique à la zone concernée 
  • Représenter au moins 5 % de la superficie totale de l’aménagement agrivoltaïque (1 hectare au maximum) 

Des exceptions à l’obligation de se référer à une zone témoin sont possibles dans les trois cas suivants: 

  • Installation agrivoltaïque avec un taux de couverture < 40 % pour laquelle il est techniquement impossible de créer une zone témoin. 
  • Installation agrivoltaïque avec un taux de couverture < 40 % dont l’exploitant peut prouver l’existence d’une installation similaire dans le même département ou région. 
  • Installation agrivoltaïque utilisant des technologies éprouvées et répertoriées par arrêté ministériel, prenant en compte les spécificités de la zone d’implantation (type d’élevage et de culture, caractéristiques géographiques, technologie photovoltaïque, etc.). 
Installation agrivoltaïque avec élevage 

Le caractère significatif de l’activité agricole est évalué par le volume de biomasse fourragère, le taux de productivité numérique ou le taux de chargement. 

Si l’agrivoltaïsme avec élevage vous intéresse, ces guides peuvent vous être précieux : 

Installation agrivoltaïque sur serre 

Les comparaisons de rendement sont basées sur un référentiel local construit à partir des résultats agronomiques et des données historiques disponibles. 

– 4 – L’installation doit permettre aux agriculteurs de générer un revenu durable 

Le revenu perçu par l’agriculteur suite à la mise en place de l’installation agrivoltaïque ne doit pas être inférieur à celui qu’il percevait auparavant. Cette évaluation doit prendre en compte l’évolution économique et les changements survenus au sein de l’exploitation. 

Une diminution du revenu ne peut être acceptée par le préfet que dans des cas exceptionnels et dûment justifiés par des événements imprévus. 

– 5 – L’installation doit être réversible 

Les installations doivent être conçues et aménagées de manière à pouvoir être démantelées sans laisser de traces irréversibles sur l’environnement ou sur le potentiel agricole des terrains. Cela permet de restaurer les terres à leur état initial ou de les réutiliser pour l’agriculture une fois les structures agrivoltaïques retirées. 

Quelle est la durée de vie autorisée d’une installation agrivoltaïque ? 

Une installation agrivoltaïque bénéficie d’une autorisation maximale de 40 ans, qui peut être prorogée pour une durée de 10 ans supplémentaire si le rendement est toujours satisfaisant. 

Une fois arrivée en fin de vie, elle doit être démantelée. Cette opération est à la charge de l’exploitant de l’installation agrivoltaïque qui doit également s’occuper du recyclage des déchets.  

Bon à savoir : l’exploitant de l’installation dispose d’un délai d’un an pour effectuer ces opérations, avec la possibilité d’obtenir une prolongation pour des raisons valables. 

Les règles à respecter pour le photovoltaïque au sol non agrivoltaïque, sur terrains naturels, agricoles et forestiers 

Les centrales photovoltaïques au sol qui ne sont pas agrivoltaïques sont autorisées uniquement, le cas des terrains déjà imperméabilisés mis à part, sur des terrains naturels, agricoles et forestiers identifiés par les chambres d’agriculture via des documents-cadres. Ces terrains incluent : 

  • Des terrains incultes : friches, broussailles ou terrains impropres à la culture 
  • Des terrains non-exploités depuis au moins 10 ans (avant la loi APER) 
  • Des parcelles identifiées comme appropriées pour accueillir des projets photovoltaïques. 

Ces règles garantissent que les terrains cultivables et récemment cultivés ne soient pas convertis en champs photovoltaïques. 

Les délais d’application du décret agrivoltaïsme 

La date d’application du décret agrivoltaïsme dépend de la nature de l’installation considérée : 

  • Installations agrivoltaïques : demande de permis ou déclaration préalable déposée à partir du 9 mai 2024. 
  • Installations photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, pastoraux ou forestiers : demande de permis ou déclaration préalable déposée à partir d’un mois après la publication du document-cadre départemental (les chambres départementales d’agriculture ont jusqu’au 9 janvier 2025 pour soumettre leur proposition de document-cadre au préfet). 

Contrôles de l’application du décret agrivoltaïsme 

Un contrôle rigoureux est mis en place pour vérifier le respect du décret agrivoltaïque, tant pour les phases d’installation que de démantèlement. 

  • Cas des installations agrivoltaïques 

Les installations agrivoltaïques et leur zone témoin sont soumises à un contrôle avant la mise en service et un autre contrôle six ans après. 

Après six ans, des contrôles sont effectués régulièrement : tous les cinq ans pour les technologies éprouvées, tous les trois ans pour les installations avec un taux de couverture < 40 % et annuellement pour les autres installations. 

Ces contrôles sont réalisés par des organismes scientifiques, des instituts techniques agricoles, des chambres d’agriculture ou des experts fonciers et agricoles. 

  • Cas des installations photovoltaïques au sol sur terrains naturels, agricoles ou forestiers 

Ces installations sont également contrôlées avant leur mise en service et six ans après l’achèvement des travaux pour assurer le respect des conditions de réversibilité. 

  • Démantèlement de l’installation et remise en l’état du terrain (installation agrivoltaïques et photovoltaïques au sol) 

Les travaux de démantèlement et de remise en état sont soumis à un contrôle strict. 

À quoi s’attendre en cas de non-respect de la loi ? 

En cas de non-respect de la réglementation ou de fraude lors de l’installation, des sanctions administratives et financières peuvent être appliquées. Dans les cas les plus graves, l’installation peut être démantelée et la parcelle remise en état. 

Concernant le démantèlement, si celui-ci n’est pas effectué dans les délais impartis, l’autorité compétente réalisera d’office les travaux nécessaires, grâce à la somme consignée par l’exploitant de l’installation au moment de la délivrance du permis de construire.  

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